24 Hour Psycho est un film réalisé par Douglas Gordon, artiste contemporain écossais, en 1993. Cette œuvre est une version très ralentie du grand classique d’Alfred Hitchcock, Psychose. Le film propose 2 images par seconde au lieu de 24. La version ralentit proposé par Gordon dure donc 24 heures au lieu de 109 minutes d’où le titre de « 24 Hour ». Cette œuvre s’inscrit dans le travail de l’artiste autour des images animées qui confrontent deux films par leur projection et par l’utilisation de jeux de miroirs. L’oeuvre a été projetée au MoMa (Museum of Modern Art) de New-York au printemps 2006. L’installation est minutieusement décrite dans le roman Point Oméga de Don DeLillo. Nous tenterons alors aujourd’hui d’analyser la chronique proposé par le site Discordance à propos de 24 Hour Psycho.
Discordance.fr est un magazine en ligne, crée fin 2004 par un collectif de passionnées qui se veut le reflet subjectif de l’actualité culturelle du moment. Il mise ainsi sur la constance et la régularité de sa parution. A l’heure de la démultiplication des sources d’informations numériques, l’équipe tente de proposer quotidiennement et gratuitement des articles de qualité, les plus diversifiés possible, que ce soit au niveau des thèmes abordés, des formats ou des opinions exprimées.
Julie rédactrice pour le magazine Discordance, responsable musique, propose unechronique reprenant les vingtaines de page qui décrivent la projection de 24 Hours Psychoau MoMa. C’est à travers la description de Don DeLillo dans son roman que nous tenterons d’analyser l’oeuvre de Douglas Gordon.
Si nous avions considéré dans certains articles que le suspense pouvait être défini par un rapport particulier au temps filmique, il est évident que Douglas Gordon atteint dans son essence le cinéma hitchockien avec cette installation 24h Psycho dans laquelle il décide de ralentir le film Psychose de Hitchcock afin que la projection complète du film atteigne 24h, soit une journée entière. En allongeant la durée du film, Gordon déplace donc la structure même du film : le récit n’est évidemment plus le même, le rapport à l’image non plus et le suspense semble avoir été dissipé. S’il était nécessaire pour Hitchcock d’introduire par différents indices et points de vue une tension dans sa narration, l’artiste déplace littéralement l’enjeu du film à un travail sur la durée filmique pure. Nous comprenons alors comment un allongement peut apparaître rapidement comme une déconstruction du film puisque le temps semble être la structure principale du cinéma.
Mais pourquoi avoir choisi spécifiquement l’oeuvre du « maître du suspense » ? Nous tenterons de dégager plusieurs hypothèses. Tout d’abord, il faut considérer que très rapidement le cinéaste est une figure historique du 7e art et que ses films sont connus d’un très grand public. Si le spectateur a déjà appréhendé le film, il est d’autant plus aisé pour Gordon d’en opérer une transformation. C’est ainsi parce que Psychose est un film culte que le travail de l’artiste fait sens. Deuxièmement, ce film travaille de façon très intéressante l’attente dans sa première partie. En déplaçant régulièrement le MacGuffin du film, les différentes scènes du film se teintent d’une tension inédite. C’est du mouvement contradictoire entre cette attente et le sentiment que certains personnages vont implacablement souffrir de l’avancée du temps que naît une partie de l’intérêt du film. Enfin, Psychose a particulièrement surpris avec l’assassinat de son héroïne, Marion, dès la première partie du film. L’opération de Douglas Gordon a pour effet de déplacer cet événement dans un temps qui n’est plus celui de la surprise mais dans un temps de l’écoulement, de la durée.
Julie, rédactrice de la chronique, considère que le processus étend la durée de film pour le rapprocher du temps réel et de l’action du film. Cette action se retrouve alors totalement diluée ce qui enlève tout le suspense du film d’épouvante. « Ce qu’il regardait, c’était comme un film pur, du temps pur » dans Point Omega de Don DeLillo à propos de l’installation au MoMa. Le sens du film et la scène cruciale perdent ainsi toute leur importance. Le suspense est alors remplacé par la patience du public.
C’est à travers une expérience muséal raconté dans le roman de Don DeLillo que le lecteur peut appréhender l’oeuvre de Douglas Gordon. 24 Hour Psycho semble déconstruire le film de Hitchcock dans ce qu’il avait de plus intense : un rapport particulier au temps. Ici, il n’est plus question de suspense mais d’un temps, voir d’une durée, de l’écoulement filmique. Cette opération permet ainsi la création d’un nouveau rapport au film original et de nouveaux récits.
M.L et R.V